Les mots de la fessée

9 Oct 20160 commentaires

Ce qui m’a toujours le plus surpris dans le fantasme de fessée, c’est l’infinité de ses déclinaisons. Il est rare, voire impossible, de rencontrer deux personnes aimant la fessée exactement de la même façon. Autour d’un acte central simple, presque primitif – donner ou recevoir la fessée – gravitent une foison de conjugaisons possibles, de préférences, de nuances ou d’impératifs en matière d’intensité, de cérémonial, d’atmosphère, de signification…

Certaines personnes ne peuvent pratiquer la fessée qu’avec un seul partenaire, dans le cadre d’une relation amoureuse. D’autres se passent parfaitement de sentiments: seule l’action compte. Recevoir une fessée douce lorsqu’on aime les fessées fortes peut être terriblement frustrant. A l’inverse, une fessée qui dépasse notre seuil de tolérance à la douleur ne procure aucun plaisir. Certains aiment dans la fessée la sensation d’être puni(e), d’autres celles d’être dominé(e), maté(e) ou calmé(e). Bien souvent, une fessée réussie est le résultat d’un délicat compromis entre les désirs de la personne qui donne et ceux de la personne qui reçoit.

Il en va de même pour les mots, ô combien importants dans un fantasme aussi cérébral que la fessée. Pour des raisons que j’ignore, certains ont le pouvoir de faire décoller mon désir et mon imagination, tandis que d’autres les éteignent instantanément. Ainsi j’ai toujours détesté le mot « cul », dont la vulgarité proche de la pornographie me fait l’effet d’une douche froide, alors que le mot « fesses » – peut-être en raison de sa proximité phonétique avec le mot « fessée » – est tellement plus beau, plus émoustillant.

 

Correction appliquée sur les fessses

 

Dans le passé, alors que la fessée n’était encore pour moi qu’un rêve lointain jamais mis en pratique, je prenais un plaisir trouble à regarder la définition du mot « fessée » dans tous les dictionnaires que je trouvais. Certaines me plaisaient plus que d’autres. J’adorais particulièrement la « correction appliquée sur les fesses », définition que j’ai toujours soupçonné d’avoir été rédigée par un adepte de notre fantasme (mais je ne me rappelle plus dans quel dictionnaire elle figurait). Les « coup(s) donné(s) sur les fesses » du Robert, en revanche, ne m’ont jamais procuré la moindre inspiration.

Curieusement, je n’aime pas beaucoup le verbe « fesser ». Je lui préfère de loin la phrase « donner une fessée » ou « recevoir une fessée » (peut-être parce que c’était l’expression qui était systématiquement employée dans ma famille quand j’étais enfant). Ou encore mieux, « donner la fessée » ou « recevoir la fessée » qui suggère un certain cérémonial. « Administrer la fessée » me plaît beaucoup aussi, à l’inverse de « mettre une fessée », « flanquer une fessée » ou « se prendre une fessée » qui évoquent surtout pour moi une défaite sportive ou, pire, un châtiment corporel brutal et non consenti.

Je ressens toujours des étincelles intérieures quand j’entends l’expression « une bonne fessée », avec laquelle j’étais souvent menacé dans mon enfance, ou encore « une énorme fessée » que je me souviens aussi d’avoir entendu. Une « grosse fessée », en revanche, ne me parle pas du tout, allez savoir pourquoi. Quant au mot « correction », qui contient l’idée de punition qui m’est chère, il est mon synonyme préféré. Qu’y a-t-il de plus délicieux qu’une « bonne correction »?