Jeu de mots
Une variation signée Alice sur un thème déjà abordé dans ce blog il y a deux ans. Avec la couleur en plus.
« Fessée déculottée devant tout l’monde »
Tout un programme! C’était celui qu’une Maîtresse d’école de mes jeunes années promettait aux vilains garnements. Bien sûr ça ne restait toujours qu’une menace ayant grandi dans les années 90/2000, ça ne se faisait déjà plus vraiment. C’est le plus lointain souvenir que je garde de mes troubles. Je devais avoir 6 à 8 ans, pas plus.
Ces mots avaient déjà un écho tout particulier dans ma petite tête blonde. Parfaitement terrifiants, mais pas que. Ils nouaient mon ventre et me faisait me sentir très vulnérable, à découvert, comme si tout le monde pouvait lire ce je ne sais quoi en moi. Je ne savais qu’une chose, ce n’était pas « normal » et je devais le cacher. Rouge pivoine et regard fuyant, je m’empressais de passer à autre chose, fuir.
Je me souviens aussi d’une scène surréaliste, un moment de malaise inégalé à ce jour. Je devais avoir 9 ou 10 ans. Un jour en rentrant de récréation un texte au tableau nous attendait pour analyse. J’ai essayé de le retrouver depuis, en vain. De mémoire, il était question d’un jeune garçon qui jouait au ballon à la maison contre les interdictions de sa mère. Arriva ce qui devait, le ballon percuta un vase et le brisa. En réponse à cette catastrophe domestique, la mère infligea au garçonnet une fessée. Pourquoi pas. Un texte particulier, mais mettons. Là où je doute de mon souvenir tant il est improbable, c’est quand le maître à choisi un élève au hasard pour illustrer le texte. Il installa sa chaise au milieu de l’estrade, s’assit et fit venir à lui l’élève. Il lui demanda de se mettre sur ses genoux, avant de mimer une fessée. Pourquoi? Mais pourquoi? Quel enfant ne sais pas ce qu’est une fessée? Je ne savais plus où me mettre! Tiraillée entre l’énorme soulagement de ne pas avoir été l’élue du hasard et le léger regret inavouable, même à soi-même, de ne pas l’avoir été. Mon visage devait redéfinir le terme rougir! Si les mots suffisaient déjà à me poignarder les entrailles, cette mise en scène achevait de me tourmenter.
Ainsi, mon enfance et mon adolescence furent jalonnées d’obstacles linguistiques.
Faire la « correction » d’un exercice me faisait me perdre dans des rêveries autrement plus passionnantes, être « punie », se prendre une « déculottée » au foot, ou même prendre un « fouet » pour battre les blancs en neige. J’avais banni tous ces mots de mon vocabulaire, cependant, au collège je passais des heures à écrire ce qui ne pouvait être prononcé. Des pages, des cahiers entier! Seul moyen d’exorciser mes démons incompréhensibles.
Aujourd’hui j’ai grandi (non je n’ai pas vieilli! Je grandis!) Les mots ont toujours un pouvoir certain, mais ils doivent être accompagnés d’une intention, être mis en contexte.
Aujourd’hui, je joue avec ces mots qui me terrifiaient…
Alice
Photos magnifiques, et très joli texte qui me laisse songeur tant je me retrouve dedans…
Alors, à quand une fessée en public? 😉
Magnifiques photos, comme d’habitude.
Et très joli texte qui résonne en moi étrangement. Le pouvoir des mots est effectivement tel que le simple fait de lire ou, mieux, d’entendre le mot « fessée » me plonge toujours dans de profondes rêveries…
Bonjour, superbe texte qui éveille un moi un vieux souvenir assez semblable, en cours de Français, le livre d’étude rassemblait des extraits de nombreux livres, et l’un d’entre eux avait pour titre « la fessée »… L’institutrice faisait toujours lire le texte à voix haute à un élève avant de faire l’exercice correspondant, et je me rappelle assez bien le malaise à l’idée de devoir lire ces quelques lignes très troublantes à mes camarades!
En revanche, il n’a nullement été question de mimer la fessée, et heureusement pour moi et ma tendance à me changer en pivoine quand je suis perturbée !
Je crois qu’on a tous des souvenirs indélébiles du même ordre. Je me souviens d’une menace proférée par une institutrice à l’école maternelle à l’encontre d’un gamin particulièrement turbulent. Elle lui avait promis de lui enlever son pantalon et de l’éjecter dans la cour de récréation, puis de lâcher tout le reste de la classe à sa poursuite, comme une meute, pour le fesser collectivement… Menace jamais mise à exécution, fort heureusement, mais qui avait contribué à mater le malheureux diable!